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Le 27/11/2023

Arrêté du 16 novembre 2023 définissant les modalités de calcul des doses efficaces et des doses équivalentes résultant de l’exposition des personnes aux rayonnements ionisants

Arrêté du 16 novembre 2023 définissant les modalités de calcul des doses efficaces et des doses équivalentes résultant de l’exposition des personnes aux rayonnements ionisants

(NOR : ENEP2327278A – JORF 25/11/2023)

 

Les nouveautés qui changent significativement les résultats, à données de base identiques, ne concernent que l’exposition interne et l’exposition externe hétérogène. La présente synthèse se cantonne à ces points, ce sont :

  • -       La mise en vigueur dans la réglementation française des coefficients tissulaires proposés, voici une quinzaine d’années par la CIPR (commission internationale de protection radiologique). Ils sont utilisés en cas d’exposition externe hétérogène.

 

  • -       La mise à jour des DPUI (doses efficaces par unité d’activité incorporée) selon les dernières recommandations de la CIPR. Elles sont utilisées en cas de contamination interne.

 

  • -       Une modification drastique des coefficients de calcul des doses efficaces dues au radon qui prend en compte, là aussi les dernières propositions de la CIPR. Elle aura un impact pratique notable, surtout en dehors de l’industrie nucléaire. Les nouvelles règle de calcul imposent une vigilance renforcée en cas de travail en zone radon ou dans un lieu de travail spécifique (lieu souterrain où les travaux n’ont pas un caractère habituel tels que parkings, galeries, caves, grottes…).

 

 

1 Les nouveaux coefficients tissulaires

 

La dose efficace est une grandeur qui représente grossièrement la probabilité d’excès de cancers en fonction de la quantité et de la concentration dépôt d’énergie, dans les tissus vivants, par les rayonnements ionisants. Une limite réglementaire porte sur cette grandeur (20 millisieverts sur 12 mois consécutifs pour les travailleurs autorisés).

 

Dans les calculs de doses efficaces, en exposition externe hétérogène, les coefficients tissulaires servent à prendre en compte les différences de sensibilité des différents tissus vivants aux rayonnements ionisants. (En exposition homogène cette distinction est inutile puisque tous les tissus reçoivent à peu près la même dose absorbée). Ces coefficients ne peuvent évidemment pas représenter les sensibilités individuelles aux rayonnements ionisants, il s’agit d’une moyenne appliquée indifféremment à tous les individus des deux sexes.

 

Les principaux changements sont les suivants :

- Le coefficient attribué aux gonades est réduit de 20% à 8%. La valeur initiale résultait d’une précaution très ancienne. Aucun effet héréditaire n’ayant été détecté chez l’homme jusqu’à ce jour, leur poids relatif a été diminué pour donner plus d’importance à d’autres organes.

- Le coefficient attribué au sein est plus que doublé, il passe de 5% à 12%.

- Le cerveau et les glandes salivaires apparaissent maintenant avec un coefficient propre, chacun de 1%.

- Les coefficient des autres organes évoluent faiblement ou pas du tout. On note toutefois que le coefficient global pour le groupement des tissus qui n’ont pas reçu en propre un coefficient est augmenté de 5% à 12% (parmi ceux-ci, on trouve par exemple le cœur et l’utérus).

 

2 Les DPUI

 

La partie de la dose efficace due à l’exposition interne est la dose engagée. Il s’agit de la dose reçue au cours d’une durée longue après l’instant de la contamination, du fait de l’irradiation par le dépôt du radionucléide dans l’organisme, en tenant compte de son accumulation privilégiée dans un organe ou un autre du fait de ses propriétés chimique et en tenant compte de sa disparition progressive par décroissance radioactive et par élimination biologique. Pour un travailleur adulte, la durée de l’intégration est de 50 ans à partie de l’instant de la contamination. La dose engagée est inscrite comme si elle avait été reçue d’un coup à l’instant de la contamination, ce qui va dans le sens de la protection des personnes.

 

Les évaluations de doses engagées reposent sur les DPUI. L’arrêté fixe ces DPUI :

-       Pour la population et pour les jeunes travailleurs, dans des tableaux établis pour les modes d’expositions suivants : ingestion, inhalation d’aérosols, inhalation de gaz et de vapeurs solubles ou réactifs, immersion dans les gaz inertes.

-       Pour les travailleurs adultes, les expositions par ingestion, par inhalation et par immersion dans les gaz inertes.

Ces tableaux prennent en compte l’évolution des connaissances depuis l’arrêté antérieur. Les variations sont peu nombreuses et ne sont pas spécifiquement signalées. Elles seront donc constatées lorsque l’usage portera sur des cas où elles sont survenues (elles sont diluées dans les 200 pages de tableaux…).

 

3 Le radon

La CIPR n’a pas proposé les nouveaux coefficients suite à l’acquisition de connaissance nouvelles, mais suite à sa volonté d’homogénéiser ses méthodes d’évaluation. Les anciens coefficients reposaient sur l’épidémiologie des mineurs d’uranium avant que ne soient mise en place des dispositions de protection convenables, population qui était effectivement sévèrement exposée au radon. La CIPR a voulu rapprocher les nouveaux coefficients des autres modes d’évaluation de l’effet des expositions aux rayonnements ionisants, lesquels reposent principalement sur le suivi épidémiologique des survivants d’Hiroshima et de Nagasaki, modes d’exposition très différent.

 

L’arrêté tient compte des nouvelles propositions de la CIPR. A côté des modalités de calcul pour les situations ordinaires, il permet aussi à l’IRSN de créer des coefficients adaptés à des « lieux de travail spécifiques ».

 

Un exemple illustre l’impact du radon vu à travers le nouvel arrêté. Les calculs ci-après sont fait en utilisant le coefficient à appliquer dans un « lieu de travail en intérieur où les travailleurs ont une activité majoritairement non-sédentaire », le facteur d’équilibre étant pris à la valeur courante de 0,4 (il est fonction du renouvellement d’air) :

-       Une zone radon (6 mSv en 2000 h) doit être crée à partir d’une activité volumique moyenne du Rn222 sur une année de

o   Calculée avec l’ancien arrêté : 960 Bq/m3,

o   Calculée avec le nouvel arrêté : 225 Bq/m3.

Dès lors qu’une zone radon est créée, l’employeur doit désigner un conseiller en radioprotection. Cela interroge aussi au regard de l’application du niveau de référence de 300 Bq/m3 sur la même durée.

-       En cas de travaux dans un local où la concentration moyenne du radon sur une année est de 700 Bq/m3, un travailleur atteint la dose efficace de 6 mSv au bout de la durée de travail suivante :

o   Calculée avec l’ancien arrêté : jamais (plus de 2000 heures/an…),

o   Calculée avec le nouvel arrêté : 642 heures/an = 18 semaines/an

Le franchissement de 6 mSv sur 12 mois consécutifs impose que la personne bénéficie d’un suivi individuel renforcé de l’état de santé, dispose d’une dosimétrie à lecture différée adaptée au radon et ait reçu une formation à la radioprotection du radon. Si ce n’est pas déjà fait pour une autre raison, l’employeur doit aussi désigner un conseiller en radioprotection.

 

Lien légifrance : https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000048458714